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De tous temps, les films publicitaires, les clips, les photos dans les magazines, les affichettes pour présentoirs - avec le risque parfois de se retrouver en tête de gondoles dans les supermarchés, ça m’est arrivé… - ont été un gagne-pain précieux pour les intermittents du spectacle qui ont souvent du mal à joindre les deux bouts. Ça mettait du beurre dans les brocolis comme on dit.

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​​J’avais 18 ans, c’était ma première pub télé et je dois dire que je n’étais pas peu fière d’apparaître dans la petite lucarne du salon avant le J.T. du 20h devant toute la smala. Ils étaient ébahis, les yeux écarquillés, archi-concentrés, d’autant que 30 secondes, ça passe vite. Et que ce spot vaut son pesant de... saucisses. 

 

Mais il faut aussi savoir qu’en 80/90, tous les protagonistes d’un film publicitaire bénéficiaient de ce qui s’appelait, encore à l’époque ! les « royalties ». Autrement dit, une redevance que nous touchions à chaque passage du film dans lequel nous apparaissions. Inutile de préciser que plus le rôle était important, plus le montant du chèque augmentait. Et en même temps, si le film faisait un tabac et même si le rôle était moindre, ça pouvait rapporter gros aussi. Enfin, ce que je veux dire, c’est que, c’est comme au Loto : plus on joue, plus on a de chances d’accumuler les cachets, donc les rentrées d'argent, donc plus on a de chances de toucher gros. "Pecunia, oponentus" dixit Cresus.

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Et toujours pour gagner ma croûte, j’ai fait un peu de mannequinat et de shooting photos aussi. Je me suis risquée sur quelques défilés de mode pour divers créateurs mais ayant une fâcheuse tendance à marcher en 10H10 comme on dit, je me rendais bien compte qu’en exécutant le fameux déhanché « poup, poup, poup », avec les jambes tendues qui se croisent presque l’une par-dessus l’autre, et en mode marche dynamique, j’angoissais le client qui suait à grosses gouttes parce qu’il se demandait quand arriverait la chute. Je n’ai pas persévéré, ni perduré. Ni vraiment réussi à corriger ma démarche tendance Chaplin non plus. C’est resté ma marque de fabrique, c’est un style.​​​​​​​​​​​​​​​​

Un de mes premiers spots télévisés, en 1985, était pour une machine transportable à saucisses pour faire des hot-dogs : « Le Hot-dogger » de Camping Gaz. Quatre jeunes en folie et en fluo en train de se gondoler autour d’un bocal à saucisses sur une musique très euh… tendance…Un collector ! 

Je faisais aussi des shooting photos pour toutes sortes de produits : fringues, pharmacopées, parfumerie, alimentaire, un peu de lingerie aussi… Un jour de 1986, un photographe avec qui j’avais déjà travaillé m’avait contacté pour faire des photos pour un supermarché genre Auchan ou un concurrent, vantant les spécialités gustatives de l’Alsace et de l’Italie, mais à moindre prix. Un genre de promo en quelque sorte, parce que bien sûr, y’avait pas de pognon. Du coup, en une prise de vue, on a fait les deux photos. L’ Alsace et l’Italie, le grand écart.​ Pour l’Alsace, j’étais naturellement dotée de ce qu’il fallait : blonde comme l’épeautre -avec possibilités de tresses- blanche comme une cuisse de bonne-soeur -avec rien comme possibilité- mon appétissant poitrail présentant « gourmandement » un étal de choucroutes, saucisses de Strasbourg, munsters, avec ou sans cumin, bretzel géant et Sylvaner, ça me changeait de la knack du Hot-dogger, je m’enivrais des saveurs.

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Pour l’Italie par contre, euh… La Mama napolitaine, les cheveux noir encre de Chine, le teint bronzé, doré, hâlé, devant le présentoir de Tortellinis, Spaghettis, mozzarellas, parmesiano, Chianti et touti quanti ! Là, je ne correspondais plus vraiment au profil. Mais… pas de pognon ! Alors papier dégueulasse et modèle au rabais. Mais on maquille Terre de Sienne, on perruque bouclettes noir de Jais, on costume Andalousie et zaï ! Shoot ! Après tout, c’est le produit qu’on vend, pas le mannequin… Et finalement, le client était très content, et il a doublé le nombre de tournée de distributions de magazines alors vous auriez très bien pu me trouver dans votre boîte à lettres, et c’est grâce à ce franc succès que je me suis retrouvée face à face avec moi-même en tête de gondole dans le supermarché bidule, et ça m’a fait un peu bizarre, mais heureusement ils avaient eu le bon goût de ne garder que l’Alsace avec ma gueule ; pour l’Italie, Ils avaient mis une photo qui avait déjà servi d’un crémier vantant l’excellence d’une marque de mozzarella, parce que euh… du pognon, y’en avait toujours pas. Bon, pour l’affichette moyen format du présentoir j’avais touché un petit rab, c’était normal, c’était quand même ma bobine qui présentait une partie des saveurs du « Liebersteine Wine Land ». Et je suis repartie avec 2 barquettes de choucroute, 2 chapelets de wursts, 1 boîte de bretzels et 2 bouteilles de Gewurztraminer. Ah ! La belle affaire !! Je sais que j’ai gardé un exemplaire de ce magazine en papier dégueulasse, je l’ai planqué quelque part mais où ? Promis, si je mets la main dessus, je vous le diffuserai. De toute façon, je n’y résisterai pas… Le ridicule ne tue pas. 

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Une photo rescapée repêchée dans le fin fond de ma réserve de cahiers, mes agendas que j’ai tous méticuleusement gardés.

« Oui, lavé avec Mir Laine bien sûr ! ». Un mini film pour les Pays-Bas toujours, parce que ma blondeur et mes rondeurs rencontraient un franc succès dans ces plates contrées ; ça les changeait de la flotte, des moulins à vent et des champs de tulipes.  
Moche photo je sais, je fais une gueule de cake, mais je n’étais pas à la fête, j’étais, et depuis je suis toujours allergique au mohair et à l’angora. Un calvaire ce tournage, j’ai cru finir avec la myxomatose… Une fois encore, carte « pas-de-chance » !

Niveau spots publicitaires, j’ai aussi été prise pour mes jambes au sortir d’une Bentley pour une marque de lunettes, allez comprendre pourquoi ? J’ai plongé et replongé 14 fois un bébé dans l’eau d’un bain pour une marque de cosmétiques parce que la mannequin, sublime ! n’avait pas de belles mains. J’ai goulûment sucé des glaces pour un supermarché en robe d’été dans un hangar en février par -2° avec, à la finale, un petit cachet de 105,55 francs de l’époque et de pénibles engelures sur les orteils en guise de souvenir. Ma bouche a été filmée en très gros plan une bonne vingtaine de fois en train de déguster une poire, le fruit, nappée de fromage « Tartare » et recouverte de chocolat noir fondant. Oui, je sais, c’est très bizarre mais c’était très prisé aux Pays-Bas dans ces années-là. Peut-être une belge variante d’entre la poire et le fromage ?  Ah oui aussi ! J’ai fait la doublure poitrine pour la célèbre boîte de « Cachou, cachou, lajaunie, lajaunie, hun-hun… ». Comme quoi, je finis par me dire que j’ai dû tourner dans une bonne centaine de pubs mais par petits morceaux ; un peu de gambettes par-ci, des doigts de mains par-là, du décolleté bien sûr… ah, et des cheveux aussi, je fus modèle pour une célèbre marque de produits capillaires parce que, à l’époque, j’avais de la crinière et que… je le valais bien. wouaf, wouaf !

Mais bien sûr, le seul vrai et génial souvenir de tournage de film publicitaire, qui reste très présent à mon esprit, c’est en 1985, un film clip pour la boisson Ricqlès, « The Soda Mentholé ». Et qui va réaliser ce film, je vous le donne en mille ? Monsieur Jacques Dutronc him-self. Nooonnn ?? Siiiiii !! Alors, là, oui, je suis excitée comme 36 puces en exploration de la moquette bouclette en promo chez St Maclou. Bon, on connaît la chanson : casting, on est 2000, la tension est à 2000 volts,, on attend 2000 ans, on est toutes sur notre trente-et un, on se tortille comme de la petite friture qui frétille avant d’être jetée dans une huile à 2000 degrés et tout ça pourquoi ? Parce que toutes les pin-ups des années 80/90 rêvaient de rencontrer ce beau blond aux lunettes noires et au cigare- et non pas au cigarillo non, sinon on parlerait de Clint Eastwood mais lui, il aime pas trop les lunettes noires, il préfère les colts et les sombrero- enfin, bref… Moteur, ça tourne, action, le fameux rituel : « Bonjour, je m’appelle Bimbette, je mesure 1 mètre 70 et mes mensurations sont : 93-61-90, je suis parfaite, hi-hi-hi-hi !! »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Merci mademoiselle, allez-y ». Et à partir de là, on frôle le grotesque, je me demande même si on ne se noie pas dedans. Le casting-director explique la consigne : de profil, nous devons prendre délicatement la canette de Ricqlès, pencher subtilement la tête vers l’arrière, aspirer sensuellement une lampée qui n’existe pas -on ne sait jamais, si on bavait…- , faire semblant de nous en délecter, puis très lascivement nous redresser, la canette toujours bien en vue et bien en main, nous tourner vers la caméra et bien sûr, le plus naturellement possible exulter un : « Un soda mentholé Ricqlès ? C’est si fraîche ! ». Et si on pouvait faire deux-trois bulles juste après, alors là ! Bingo ! Bimbette était illico engagée !

Alors non, je n’ai pas fait de bulles, je ne suis pas bubble-gum, mais j’ai été prise, ainsi que beaucoup d’autres, 30 artistes en herbe ? 40 ? Il fallait remplir les 4500 m2 d’une aérogare désaffectée de l’aéroport du Bourget -encore un hangar gelé bien sûr, mais pire parce qu’à la campagne, où il fait tout de suite 3/4° degrés de moins qu’à la Capitale, armfff- et le projet était ambitieux et de taille : un plan-séquence de 45 secondes suivant une cinquantaine de danseurs et comédiens évoluant sur un immense parterre se métamorphosant au gré du mouvement de la grue-caméra. Je ne vous raconte pas la précision dans le timing que ce genre de plan nécessite, ni le nombre de répétitions imposées par la réalisation d’un tel exercice. Mais Monsieur Jacques était-il tendance « West Side Story » ou « Les Demoiselles de Rochefort » ? Surprise, surprise !

 

Toujours est-il que nous étions engagés pour 3 jours : 2 jours de répétitions, 1 jour de tournage, déjeuners et frais de transports pris en charge, mais Jacques ! Évitons les dépassements si possible ! 

Alors peu de temps avant le Jour J, la production a organisé un déjeuner dans un grand hôtel du 13ème arrondissement de Paris, Bd St-Jacques -tiens, comme par hasard…- et nous étions tous conviés à rencontrer l’équipe : le chef-opérateur, les 3 assistants, la scripte, l’ingé-son, le chef déco et bien sûr, le réalisateur : Monsieur Jacques Dutronc en personne.

Mais pourquoi Jacques Dutronc en tant que réalisateur alors qu’il n’était connu pour aucune réalisation de quoi ce soit, je vous le donne en mille ? Parce qu’il chante le slogan de la pub figurez-vous, avec sa voix si « fresh », j’imagine même qu’il l’a composée ; voici les paroles.

 

J’ai du Ricqlès dans mes amours,

J’ai du Ricqlès dans mes affaires,

Je suis Ricqlès, y a rien à faire,

J’ai du Ricqlès, j’ai du « succes »,

Je Ricqlès…

 

Voilà. C’est un concept. C’est very « fresh »…

Mais… il a beau avoir une voix de velours le « Gentleman Séducteur », ça casse pas trois pattes à un canard non plus son truc, si ? En même temps, cette même voix, tellement suave et envoûtante, vous vendrait n’importe quoi, n’importe où, même une pompe à chaleur pour votre futur igloo au Groenland, alors…​​​

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La voix de Jacques était bien plus pénétrable que toutes celles de… comment il s’appelle déjà ?

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Le jour convenu, toute croquinette, poitrine en valeur et jupette affriolante, je me pointe à l’Hôtel en question. Un assistant major d’homme de l’établissement m’accueille en souriant menthe glacée ; sûre qu’il s’était sifflé un soda mentholé…

- Bonjour Mademoiselle, vous êtes attendue pour le déjeuner Ricqlès ?

- Euh… oui, merci…

- C’est tout de suite à votre gaaaûûûche, le salon Empiiirrre.

Pô,pô,pô ! Il se la pète le Spirou !

 

Je le remercie, je me dirige vers Napoléon et ses acolytes, j’ai le cœur en mode gladiateur, je franchis la porte qui est grande ouverte et j’entre dans l’arène. Parce que de toute façon, dès qu’on parle d’empereur, il est forcément question de batailles ou de bastons alors… C’est inhérent à leur profession faut croire ; ils sont cruels ces types. Personnellement, je reste sur mes gardes, que je n’ai pas, ah, ah ! Je me méfie comme de la peste de cette arrivée où tous les regards vont se tourner vers moi forcément, mais là, ça va : quand j’entre, la casting-director se lève et vient me chercher pour m’aider à franchir ces derniers pas, les plus durs pour moi, elle le sait, elle me connait. Important brouhaha, « Bonjour ! Salut ! Hey Baby ! Oh chérie, ça va ? Tu as l’air fatiguée ? Salut, ça va ? Oh ! Euh… Céline ? Célimène ? ». Les filles me scannent de haut en bas pour évaluer mes richesses naturelles, les mecs me déshabillent vite fait du regard pour voir si je peux rentrer dans la catégorie « proie facile, coup d’un soir » et moi je me la joue blonde à gros seins à fond, avec un Q.I de bigorneau… Mais rien ne m’échappe, j’ai l’oreille bionique de Super Jaimie.

-Elle fait quel personnage déjà la blonde ? Demande peu discrètement le 1er assistant au 2eme à sa gauche.

-La fille aux cheveux gaufrés, lui répond le second vers la droite.

-Mais elle a les cheveux raides, Boris !

-Ben… on verra avec le coiffeur… avec scrunchs de chips aux crevettes à l’appui.

-Mouais… C’est celle sur le cheval ?

-Non, c’est celle sur le capot de la voiture.

-Mais alors on s’en fout qu’elle ait les cheveux gaufrés ! On va la voir ¼ de secondes !

- Hé, je sais Bernard ! (scrunch) Tu verras ça avec Jacques.

Comme quoi, le concept n’avait pas encore l’air bien au point…

 

Pendant ce temps-là, je souriais toujours, je « bonjournais », salut, bonjour, tu vas bien ? Quelques poignées de mains, le reste de loin, non, je ne connais personne mais je le vois lui, Jacques D., le gentleman, un Monte Cristo de 10 cm de long au bec, qui se lève et m’invite à m’asseoir en face de lui à sa gauche. Je défaille et m’exécute en essayant de ne surtout pas penser à mes joues qui doivent être rouge coquelicot. Je respire éphémère.

 

Et patati, et patata, tous les protagonistes Ricqlès débarquent les uns après les autres, certains, certaines, dans le même état que moi, plein se retrouvent à l’autre bout de la table, peu aussi bien placé que moi, gnark, gnark ! Puis, quand tout le monde a pris place, les choses ont été bien faites, bonne prod, les boissons affluent en même temps que se succèdent les entrées, les mises en bouche. Les nems voltigent, les raviolis de crevettes rivalisent avec les beignets de porc ou de poulet, les tempuras se disputent la vedette avec les samosas, c’est un festin et au centre de la table, c’est open bar. Des bières asiatiques, toutes les couleurs de vins, des sodas, en veux-tu, en voilà, et bien sûr, en vedette, le RICQLES !!!!! The Famous Soda Mentholé !!! L’ambiance est on ne peut plus joyeuse, ça discute, ça plaisante, ça galéjade, et Monsieur Jacques observe ; il sourit, semble s’amuser de cette situation alors, dans la foulée, demande la carte des vins et les étudie avec minutie, les bons crus non pris en charge par la prod, hors budget, ses extras. Il commande plusieurs bonnes bouteilles, enfin, ce qui se fait de mieux dans la maison et tout ça entre les nouilles au saké et le canard laqué. J’étais jeune, Jacques m’appréciait parce que nous parlions musique ensemble, et comme je n’étais pas mauvaise sur le jazz et surtout le classique, il s’amusait à me titiller sur des formules d’accords magiques qu’il connaissait bien sûr bien mieux que moi, « et moi, et moi, et moi »…

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« Voulez-vous litchis ou nougats confits ? »​

L’heure tournait à la vitesse d’un ventilo laotien, le briefing pour le tournage avait été fait very « fresh » et peu à peu les protagonistes Ricqlès défilaient devant Jacques pour le remercier de ce sublime déjeuner. Et moi j’étais aux anges, je buvais du petit lait… Enfin, pas que… et franchement, je dois l’avouer, j’étais plutôt pompette quand même… À 18 balais, s’envoyer un Mékong cocktail, du vin blanc, du vin rouge, en veux-tu, en voilà, parce que petite dégustation oblige, et conclure par des petits godets de mecs qui ont la gaule et qui sentent la rose ! Ah ben là, moi, oui, j’étais décoiffée, et j’étais guillerette ! Et ça, même derrière ses Ray-Bans noires, et avec beaucoup de tendresse, ça amusait beaucoup Jacques.

 

Le Jour J, le tournage.

 

Après 2 jours de répétition dans l’aérogare B12, allée W23 de l’aéroport du Bourget, comme à l’accoutumée, je gare ma Renault 5 à ma place provisoire pour le tournage, et je file au HMC. J’avais passé 2 jours à grimper et descendre d’un capot de Cadillac, j’avais mal partout, mais heureusement, pas trop de bleus, et c’était la première fois, filmage oblige, que nous allions être maquillés, coiffés, habillés. Ma tenue était somme toute basique, bien connotée années 85/90, une robe en tissu bleu-violine moiré avec des maousses épaulettes, un très moyen mélange entre une panoplie de footballeuse américaine et une tenue SF venue d’une planète très, très lointaine… Mais là où j’ai déchanté, c’est que la coiffure, en accord avec la réalisation, avait prévu de me gaufrer les cheveux, de créer un genre de mini vague sans le ressac. Le gaufrage était très en vogue dans ces années-là, c’était le pendant fille de la coupe mulet garçon, si vous voyez ce que je veux dire. Alors, d’un geste affirmé, Boris, le coiffeur, s’attaque à ma capilliculture et me coince la crinière dans un genre de moule à gaufre cranté. Bon, c’est rapide, indolore, ça fume mais ça ne sent pas le poulet grillé, mais outch ! Quand j’ouvre les yeux et que je me vois dans le miroir, je me cherche. Qui est-ce ?? Mais c’est quoi cette mocheté !! Terrible constat : la gaufre ne me va pas, mais alors pas du tout, on dirait un lévrier afghan du XVIe arrondissement qui vient de se ramasser une bonne saucée.

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Boris n’a pas l’air très convaincu non plus, nous filons voir Jacques. Le temps de le trouver puis nous nous plantons devant lui : il ne m’a pas reconnue ! Il ne l’a pas dit mais je suis sûre qu’il m’a prise pour un toit de chaume. Enfin, il ne tergiversa pas et imposa à Boris de dégaufrer au plus vite et de relisser comme j’étais et que je devais rester. La journée de tournage s’est bien déroulée, pas de problèmes majeurs, je suis restée en contact avec quelques-uns de la bande et puis… La vie nous a plus ou moins éloignés…

 

Peu après, via son agent, j’ai envoyé un petit mot à Jacques, pour le remercier d’avoir pu participer à cette aventure. Déjà, à l’époque, je faisais chier avec ma prose… Il m’a répondu très élégamment ce gentleman -Oh ! Mon Prince Charmant !- et m’a remercié d’avoir pu échanger musique avec une « jeune fille en herbe » lors de ce fameux déjeuner, ça lui avait été instructif. Je ne l’ai jamais revu, il a disparu comme un voleur...

 

Mais j’ai toujours, gravé dans le disque dur de mon cervelet, mon album photos Ricqlès, et ce magnifique cliché de Jacques Dutronc, Monte-Cristo au bec, Ray-Bans en place, perché sur une grue derrière une énorme caméra 35mm Cinémascope Panavision. Il était évident que Jacques n’était pas forcément très confort avec le filmage, et que le Chef Opérateur et les assistants géraient une bonne partie des obligations techniques. Mais Jacques, du haut de sa caméra grue, restait le roi du pétrole, avec toujours ce sourire si enjoliveur même autour de son barreau de chaise. Ce sourire aurait détourné de ses vœux n’importe quelle bonne-sœur, y compris la Mère Supérieure.

 

Et dire que je vous raconte tout ça pour un spot télé de 1985, dont tout le monde se fout royalement, qui dure 30 secondes à peine et où il faudra être très rapide pour me trouver…​​​​

Bip bip et le coyotte, série télévisée de Chuck Jones, 1962 @Warner Bros.png

« Bip Bip et Coyote », série télé de Chuck Jones (1962). @Warner Bros

Voilà quelques-uns de mes souvenirs les plus marquants dans le monde de la publicité et des annonces cultes,

ou pas... J'espère que cette lecture vous a plu. Pour découvrir plus d'anecdotes sur le monde de l'audiovisuel, du cinéma, ou encore les coulisses de la série Les Filles d'à Côté, n'hésitez pas à cliquer sur les liens correspondants !

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